propos sur LES ARTS et GIGANTiSmES
2.1. L'air : matériau pour la création
2.2. Gigantisme de foule
2.3. Matériaux et équipements nouveaux
2.4. Collaboration science et art
2.5. Nouvelle configuration du monde visuel
Les arts gigantesques éphémères qui s'affirment de plus en plus depuis le milieu du 20e siècle, se développent dans un contexte où science et arts se rencontrent et s'alimentent mutuellement. Les découvertes scientifiques inspirent les artistes à créer des oeuvres qui deviennent aujourd'hui possibles et les artistes (utopistes) par leurs créations posent des problèmes à résoudre aux scientifiques.
Bien que certaines oeuvres gigantesques aient été déjà créées depuis l'Antiquité (nous pensons aux oeuvres de l'Egypte antiques, aux sculptures colossales de l'Île de Pâques et à l'imaginaire Tour de Babel décrite dans l'Ancien Testament...), la convergence de nouveaux moyens, après la seconde guerre mondiale, a catalysé l'attention autour de réalisations colossales mais qui paradoxalement sont légères, éphémères, mobiles et moins coûteuse (bien que la notion d'un coût élevé ou faible dans le passé n'est pas comparable avec notre sens de l'argent aujourd'hui) en comparaisons des monuments historiques où la pierre reste le matériau principal.
Les arts gigantesques contemporains sont le résultat de nouveaux facteurs qui ont profondément modifié plusieurs secteurs d'activités et façonné des mentalités nouvelles. Au cours des dernières décennies, l'air est devenu une composante essentielle des arts gigantesques.
2.1. L'air : matériau pour la création
L'utilisation de l'air dans la création contemporaine est devenue de plus en plus importante à mesure que les créateurs ont porté intérêt aux explorations spatiales. Le manque d'air respirable dans l'espace a fait prendre conscience aux artistes de considérer l'air comme un matériau n'allant pas de soi. Que ce matériau est aussi malléable pour devenir le composant d'oeuvres d'art. Car entre le quasi vide de l'espace sidéral et l'air respirable de notre planète, il existe une palette de différentes qualités d'air et de mouvements d'air (ou turbulences de l'air ou vents) suivant l'oeuvre projetée.
L'expérimentation d'abord de l'air chaud avec les montgolfières, puis le développement de la vitesse des avions pour "percer l'air" le plus vite sans que les coques prennent feu, les explorations spatiales dans un espace infini (sans bout) et obscur (qui absorbe la lumière), la présence d'astronautes (avec d'imposantes combinaisons protectrices) sur la Lune sans air respirable, les longs séjours dans les stations spatiales comme MEER sans apesanteur ont suscité un puissant intérêt pour de nouvelles formes de création appelées entre autre art sidéral. Certains créateurs modifient le paysage de la Terre pour que les astronautes voient et photographient ces manifestations à partir des hublots de leurs navettes spatiales. Le "land art", déjà pratiqué de façon gigantesques (nous pensons aux antiques dessins-pistes-d'atterrissage (?) au Mexique) a pris ainsi des dimensions "flottantes" et éphémères grâce aux nouveaux matériaux gonflables d'aujourd'hui. Certains artistes s'intéresse au vide et ont voulu créer des oeuvres dérivant dans les espaces sidéraux pour le plus grand plaisir des voyageurs de l'espace. Il fut un temps où la NASA a accepté dans ses navettes des oeuvres qui ont ainsi voyagé dans les immenses espaces de notre galaxie. C'est le cas notamment de l'un des modules de L'Axe Tranguille de l'artiste Lowry Burgess.
L'urbanisation rapide qui a augmenté le taux de population dans les villes (habitant au mètre carré, densité au mètre cube) et facilité le déplacement de ces populations par les moyens de transport toujours amélioré en distance, en confort et en vitesse tel que le train, le bus, l'avion, la voiture individuelle et surtout la télévision (déplacement par procuration) ont favorisé, par contradiction, l'organisation d'événements de grande envergure en dehors des agglomérations, là où il y a encore assez d'espaces vierges pour l'installation d'oeuvres gigantesques là ou la foule a de la difficulté à se rassembler : lieux naturels ou désaffectés, etc. Ici, le point de vue n'étant plus celui du spectateur dans un musée, une galerie ou une exposition traditionnelle certaines oeuvres ont été créées en l'air pour envahir le champ visuel en entier, d'autres, au sol, pour être vues du haut des navette spatiales, avions et des satellites d'observation. Dans les deux cas, l'air crée un contexte nouveau pour les oeuvres d'artistes contemporains dans lesquelles la foule absente ou présente a la possibilité d'être enveloppée dans de nouveaux environnements gigantesques plus intimistes.
Des structures gigantesques et des oeuvres d'art à la fois rapides à monter, peu coûteuses et spectaculaires se sont développées pour répondre à ce besoin d'émerveillement collectif des foules éphémère (tous ensemble et le plus possible avec la même émotion) : gradins et scènes démontables. Aujourd'hui la motivation des organisateurs de ces rassemblements repose essentiellement sur le gain colossale de sommes d'argent : "plus j'ai de clients plus j'ai d'argent". Mais ces rassemblements populaires de foules, depuis l'aube de l'Humanité est toujours drainés par le désir et le sentiment de chacun de vouloir ressentir la jouissance de la communion spirituelle (ce sentiment de réconfort unique de ne pas se sentir seul au monde). Nous pensons aux mises en scène colossales du IIIième Reich pour les discours d'Hitler qui a motivé autant de monde, aux esplanades gigantesques de l'Egypte antique ou aux pyramides Inca au Mexique qui devaient servir à des événements spectaculaires politiques ou religieux et drainer une foule gigantesque. Ces mises en scènes colossales ne sont créés que pour impressionner une foule aux opinions malléables au travers d'émotions de communions. Aujourd'hui, les événements sportifs tels que Les Jeux Olympiques ou la Coupe du Monde de Football rassemblent plus de monde en un seul endroit que n'importe quelle manifestation politique ou religieuse du passé. Les stades sont d'ailleurs de loin les architectures qui accueillent le plus de monde. En dehors du sport, ce sont les "parcs d'attractions" qui attirent une foule d'adulte, qui désire se "détendre" et s'amuser avec ses enfants. Là, toutes sortes d'attractions "qui ne doit donner aucune matière à réflexion sous peine de perdre cette foule" sont créées avec des marionnettes géantes, des cerfs-volants, des montgolfières et même des châteaux énormes flottant au dessus de milliers de personnes "désireuses d'éprouver des émotions esthétiques nouvelles dans un contexte ludique" commandé par les entreprises de loisir aux artistes déconceptualisés. Qu'il suffise de mentionner la structure aérienne de Steve Forbes reproduisant le château familial en Normandie, immense "édifice" que les visiteurs ont pu admirer pendant un festival de montgolfières.
2.3. Matériaux et équipements nouveaux
Les nouveaux matériaux (de synthèse) et équipements technologiques rendent possible des créations gigantesques. La pierre, le bois et le métal utilisé autrefois pour les structures colossales ne convenait évidemment plus au désir de légèreté. Les pyramides d'Égypte, les grands aqueducs romains - celui de Ségovie en Espagne ou celui du Gard en France ou la Tour Eiffel - bien que construits pour des besoins plus sociaux qu'esthétiques sont considérés comme de magnifiques oeuvres d'art. Aujourd'hui Les nylons et les polyvinyles renforcés, imperméabilisés, ignifugés et résistants ouvraient la voie à de nouvelles expériences formidables. Des souffleries légères et puissantes permettent de monter et de tenir en place des structures de grande dimension faites de membranes souples. L'utilisation judicieuse de sas permet même à des groupes considérables d'entrer et de sortir d'architectures gonflables sans que la perte de l'air pulsé ne diminue la pression de façon significative. Des systèmes robotiques comme celui mis au point et breveté par Shiiro Takahashi, professeur à l'Université Tama, au Japon, donnent vie à des structures gonflables comme des mains, des géants, des animaux ou des formes géométriques. Des censeurs vocaux assurent l'interaction entre les spectateurs et les objets pneumatiques.
Depuis les années 60, le créateur bulgare Christo Vladimiroff Javacheff, connu sous le nom de Christo, utilise également de nouveaux matériaux pour réaliser ses emballages d'édifices. Le Reichstag de Berlin fut emballé avec une toile de polypropylène recouverte d'une couche d'aluminium servant de protection contre le feu. La toile argentée fut retenue par des cordages de polypropylène de couleur bleue. Christo avait auparavant emballé notamment : de l'air, Colis contenant 42 390 pieds-cubes d'air, les îles de la baie de Biscayne et le Pont Neuf à Paris. Le français Xavier Juillot quand à lui "aspire" des monuments entiers avec une poche gigantesque de tissu métalliséou donne l'impression de faire "danser" des tours de 300 mètres haut avec des structures gonflées.
2.4. Collaboration science et art
L'union nouvelle entre la science et la création artistique a suscité et continue d'alimenter les expériences qui associent l'air et des matériaux souples. Il va sans dire que l'art et la science sont intimement liées à toutes les époques et selon des modalités qui lui sont particulières. La période contemporaine connaît une accélération formidable des découvertes scientifiques rendues possibles par des fonds énormes qui ont permis de mettre sur pied des équipes de chercheurs internationaux et des centres de recherches à la fois bien équipés et capables de créer de nouvelles machines. Certaines universités comme le Massachusset Institute of Technologie, le MIT à Boston a même identifié bien clairement un axe de recherche où s'associent science et art. Les modifications ponctuelles de vastes paysages urbains par la lumière et la création d'oeuvres supportées par l'air sont devenues l'un de leur champs d'exploration.
Des architectes comme Richard Buckminster Fuller ont cherché des solutions économiques aux nouveaux besoins de la population. Le fameux slogan de Mies Van Der Rohe "Less is more" a trouvé une application différente que celle du style international dans les Globes Géodésiques qui l'ont rendu célèbres lors de l'Exposition Universelle de Montréal. Ce "pavillon" est encore aujourd'hui le plus grand globe géodésique jamais construit. Alors que l'Art international s'est consacré à la construction de gigantesques édifices en hauteur dont toute courbe est bannie, Buckminster Fuller et d'autres architectes dits formalistes, comme Saarinen, ont voulu associer simplicité et formes courbes. Aujourd'hui, architecture, sculpture, installation dynamique, peinture, calligraphie, théâtre, cinéma, musique, etc., / grâce à l'évolution des matériaux léger et au développement fulgurant des logiciels de création, de gestion de systèmes de projections dans l'espace, d'architectures 3D (avec calcul des charges) mobiles, d'images de synthèse de "réalités virtuelles", de systèmes interactifs, de compositions soniques, etc., accessibles aux artistes et aux scientifiques / se mêlent pour former un nouvel art : celui de l'environnement multimédia.
L'accessibilité, par l'intermédiaire des différents logiciels, à la connaissance et la pratique de divers "métiers" de créations permet aujourd'hui à l'artiste de concevoir des oeuvres d'un nouveau genre où tout, aussi bien le rôle du public que l'architecture ou le comportement de la musique de la lumière ou du "bruit", est pensé et composé. "Dans l'Environnement Interactif (ou Intelligence Artificielle), nous avons digéré la décoration et soulagé le concept".
2.5. Nouvelle configuration du monde visuel
Autrefois, les arts avaient pour but la production de la "beauté gratuite" aussi bien dans le domaine du son (musique), du mouvement (danse, théâtre) que dans celui du visuel (peinture, dessin, gravure). Après les deux Guerres Mondiales, contester, provoquer, étonner et amuser sont devenues des préoccupations courantes chez beaucoup de créateurs. Le "beau" est devenu aujourd'hui un paramètre décoratif. Les créateurs eux-mêmes sont devenus différents étant donné l'apparition de nouveaux outils qui modifient profondément non seulement un certain nombre de tâches mais aussi le processus de création de certaines oeuvres.
Le nouveau modèle d'art révolutionnant les modèles anciens mis sur pied par le Bauhaus a partir des années 1920 dans l'architecture (bâtiment et intérieur), la peinture, le théâtre et le design (des objets d'intérieur et graphique) a par ailleurs donné les moyens de former une nouvelle génération de créateurs qui mêlent industrie (production en série) et art. Ces créateurs bien au fait des nouvelles techniques et soucieux de la qualité esthétiques de leurs créations et de ceux qui en jouissent créent un certain type d'oeuvres destinées à un large public hors des salons bourgeois restreints. Le Bauhaus a mis au point un programme pédagogique qui assure aux designers graphiques et autre une formation artistique parfois très poussée sur des bases géométriques simples.
C'est surtout à partir du 19e siècle, avec l'évolution des technologies, que de nouveaux types de créations ont commencé à modifier le panorama de l'art. La photographie et la vidéo (pour la T.V. et Internet) s'est rapidement approprié une grande partie des rôles sociaux autrefois joués par l'illustration, la gravure et la peinture comme les faits d'armes, le portrait individuel et de groupe, l'exploration de nouvelles contrées, la cartographie, les événements familiaux ou publiques. Vers le milieu du 19e siècle, notamment avec Jules Chéret, en France, l'affiche en couleur a donné aux foules l'occasion de voir de grandes images en couleur (aujourd'hui gigantesque photo publicitaire sur des façades entière de building) dans la rue (lieu publique) alors que la peinture n'est visible que dans les salons (lieux privées). La Révolution industrielle et aujourd'hui électronique rendant possible la production rapide et en masse de "biens de consommation" - art compris - (avec la création toujours améliorée de nouvelles machines-outils, aujourd'hui des robots presque autonomes), doit annoncer le "nouveau" produit ou événement (spectacle musicaux sportif ou élection politique) pour lutter pour l'existence et lutter contre la disparition même du produit-événement créé. Un produit-événement inconnu, pour un publicitaire, est un inexistant (pire que la mort). L'angoisse du créateur urbanisé réside plus dans le fait que son oeuvre soit existante (soit vu) que dans la création de l'oeuvre elle-même : ce qui génère des "oeuvres"-aberrations bien que consommables. L'affichage (le fait de rendre publique) est née d'un désir uniquement publicitaire "voit-Moi, imprègne toi de Moi, je suis là devant tes yeux et je veux rentrer dans ta tête" : le message multimédia (photo, calligraphie, dessin, vidéo, son, musique, texte, image 3d, etc.) vital qui accroît la popularité et donc la vente d'un produit ou d'une idée est aujourd'hui l'art populaire urbain majeur. La rue c'est même vu créer une autre "rue" où les individus circulent par milliards sans frontière, et où l'échange d'informations est l'activité principale à travers le nouvel affichage électronique. "Je ne suis mue que par la publicité car je suis un consommateur modèle".
Vézina totalement modifié par Shadow-Sky, Montréal, juin 2000
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